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Le blog de totoche

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Des mots, juste des mots, mes mots.


Du management au harcèlement

Publié par totoche sur 4 Mai 2010, 14:36pm

Catégories : #réaction

Le management

 

Dans une gestion moderne, il n’est plus question d’encadrement mais de management.

Ce n’est malheureusement pas qu’une question de vocabulaire.

Le manager n’est pas tenu de connaître les tâches subalternes ni les moyens réels dont disposent les agents pour effectuer ces tâches.

 

Le manager a des objectifs à remplir.

Ces objectifs (RGPP oblige) étant généralement revus à la hausse régulièrement alors que les moyens alloués pour les effectuer (humains et matériels) sont eux équivalents ou revus à la baisse, il se doit d’utiliser le seul levier à sa disposition, l’augmentation du rendement, la rentabilité.

 

La formation d’un manager lui donne quelques clés : la responsabilisation individuelle (primes modulables), la spécialisation des agents (plateaux Chorus), la mutualisation des services (plateaux UGPE – UTI).

Ces différentes techniques, dont la rentabilité théorique est défendable, ne prennent cependant pas en compte le facteur humain

Effectuer une tâche répétitive, proche du travail à la chaîne, ou devoir effectuer un travail de réflexion sur un plateau, et son environnement sonore, affecte la qualité de travail et le rendement des agents concernés, affecte également la qualité des conditions de travail des agents.

 

Un manager ne gère pas un service au sein duquel sont affectés un certain nombre d’agents, il gère un service auquel sont affectés un certain nombre d’ETP (équivalent temps plein), et même plus souvent  d’ETPT (équivalent temps plein travaillé).

Là aussi, ce changement de vocabulaire loin d’être anodin efface la notion d’humanité.

Un ETPT est tenu à un travail effectif de 37H30 par semaine.

Un manager trouvera donc normal, chronomètre à l’appui, de vous fixer, par simple multiplication, vos objectifs journaliers, de la même façon qu’il pourrait programmer un automate.

 

Il est à noter que l’administration vient de doter les DISP d’un nouvel outil de gestion, pour ne pas dire de contrôle, en l’occurrence ORIGINE.

Ce nouveau logiciel de gestion des temps de travail a nécessité une révision des chartes des temps, n’autorisant quasiment plus, sauf rares exceptions, le recours aux heures supplémentaires.

Aux managers de gérer l’équation :

Diminution des moyens + diminution des temps de travail <=> augmentation des charges de travail.

 

En résumé, le passage au management a dépossédé les encadrants de toute approche humaine de gestion, ne leur laissant que des schémas très restrictifs comme uniques modèles.

N’ayant pas culturellement la possibilité de remettre en cause les objectifs fixés (qualitativement ou quantitativement), le manager mis sous pression, ou se mettant sous pression, tombera très facilement dans la déshumanisation totale, dans le harcèlement.

 

 

Le harcèlement

 

Le harcèlement n’est jamais facile à détecter ni à exprimer.

 

Il est souvent l’accumulation de petits gestes, de petites phrases, qui pris séparément sont anodins, presque enfantins.

C’est le dénigrement systématique des qualités d’un agent : de son travail, de sa fonction, de lui-même.

Ca peut être aussi une lecture stricte de la réglementation pour un agent alors que les autres agents du même service bénéficient d’assouplissements à ces mêmes règles.

Enfin, il arrive que le harceleur utilise un langage ou des gestes injurieux voir vulgaires.

 

Parce qu’il n’est pas facile à démontrer, le harcèlement est rarement dénoncé clairement.

 

Voici concrètement des exemples de harcèlement exercés sur des collègues au cours de ces derniers mois.

 

-         Interdiction de regarder par la fenêtre. Cette interdiction, faite devant un service met l’agent dans la position d’une personne qui prendrait le temps de paresser alors que ses collègues triment.

-         Oubli systématique de saluer les subalternes, alors que l’on se courbe devant ses supérieurs.

-         Appels d’un agent par des gestes dédaigneux. Le geste en lieu et place de la parole, pour des rapports respectueux de la personne.

-         Réflexions dirigées vers l’un ou l’autre et mettant en cause en termes durs, voir vulgaires, les fainéants, les jacasseurs, utilisateurs de téléphone ou internet.

-         Mise en cause des temps partiels. Un agent à temps partiel reporte une partie de son travail sur ses collègues, c’est un profiteur et un fainéant.

-         Mise en cause des qualités et capacités des agents. Un agent ayant eu à gérer des dossiers particuliers ne se voit plus affecter que des tâches de stricte exécution du type photocopies de dossiers. Ce même agent se verra refuser des congés et son temps partiel sera remis en cause au motif de nécessités de service.

-         Mise en cause des autorisations d’absence pour garde d’enfant malade. Un agent responsable utiliserait son droit à congés annuels, il ne pénaliserait pas son service par ses absences répétées pour des nécessités (à prouver) personnelles.

-         Mise en cause de la capacité de travail. Un agent se plaignant de sa charge de travail ne devrait jamais prendre le temps de lever la tête, de demander un renseignement à un collègue, d’aller aux toilettes. S’il n’arrive pas à effectuer son travail c’est obligatoirement un incapable. De même s’il doute pouvoir accepter des tâches supplémentaires.

-         Suspicion et flicage organisés. Aucun agent ne doit se sentir à l’abri. Chacun doit être coupable de quelque chose puisque chacun doit améliorer sa rentabilité. On exige donc que les portes soient ouvertes pour pouvoir mieux surveiller les conversations et les écrans, les temps de pause, pour générer l’insécurité.

-         Mise en cause des compétences. Un dossier délicat est obligatoirement un dossier mal géré par l’agent. Toute demande d’aide est un aveu de faiblesse, d’incapacité.

-         Mise en cause des demandes de congés impromptues. Il ne peut s’agir d’une impossibilité de se déplacer suite à une grève à la SNCF, il est demandé à l’agent d’avouer plutôt qu’il ne voulait pas travailler.

-         Interdiction de manger un fruit sur son lieu de travail. Alors qu’on s’arrange par ailleurs sans difficulté d’agents mangeant leur repas à leur bureau et ne prenant pas de pause méridienne.

-         Mise en cause des heures supplémentaires effectuées avant Origine. Les agents ont fait preuve soit de mauvaise organisation soit de zèle intempestif pour se faire bien voir. Dans tous les cas, ils ont eu tort.

-         Des commentaires désagréables, voir scabreux, sur la tenue des agents, leurs apparences physiques, leurs engagements extraprofessionnels,… Des vêtements trop ou pas assez à la mode aux odeurs corporelles en passant par des engagements culturels ou religieux, voir simplement des traits fatigués (vous n’avez qu’à dormir la nuit !).

-         Un rappel régulier de la pyramide hiérarchique. Un directeur n’a pas à recevoir d’ordre un adjoint ou d’un secrétaire (qui ne fait par ailleurs que transmettre une demande). Le travail d’un personnel d’exécution est sans valeur et ne mérite en aucun cas qu’on y accorde la moindre importance. Par voie de conséquence, le travail effectué par un agent peut également l’être fait par l’autre.

-         Un travail accompli n’est jamais reconnu à sa juste valeur

-         Aucune critique ne peut être acceptable venant d’un subalterne. Il n’est possible que le oui comme réponse, le oui mais est déjà acte d’insubordination.

-        

-         Ces derniers jours, le harcèlement a débouché, pour une collègue, sur de l’intimidation physique, en l’occurrence la projection brutale d’objets (agrafeuse, ôte agrafes) sur un mur proche d’elle. De la violence mentale à la violence physique, le pas est facilement franchissable.

 

La liste ci-dessus n’est malheureusement pas exhaustive.

 

Certains collègues trouvent une issue dans une mutation.

D’autres subissent tant qu’ils peuvent.

Il y a des arrêts de maladie.

Il y a déjà eu des dépressions.

Il y a, dans tous les cas, énormément de souffrance.

 

Il est difficile de voir le harcèlement, il est encore plus difficile de s’avouer victime de harcèlement.

C’est d’autant plus difficile que la victime finit par se sentir coupable de ne pas être réellement à la hauteur de sa tâche, coupable vis à vis de ses collègues, coupable d’être fragile, d’être le maillon faible.

 

Face à des discours contradictoires :

-         un travail sans valeur, mais de plus en plus de travail demandé

-         un agent incapable même pour un travail sans valeur mais qui doit être force de proposition

-         un agent infantilisé mais portant sur ses seules épaules la responsabilité du dysfonctionnement d’un service

la personne perd l’ensemble de ses repères. Elle doute de ses qualités, de ses capacités, elle ne comprend plus le sens de son travail. Elle est poussée à l’erreur.

 

 

 

Pour casser ce cycle infernal, la parole est la seule arme efficace.

Elle doit s’exercer au sein des services, elle doit mettre devant leurs responsabilités l’ensemble des agents, qu’ils soient également victimes, témoins muets ou complices, elle doit permettre de mettre des mots sur la souffrance.

Un agent qui se sent harcelé doit toujours en parler avant d’avoir subit trop longtemps, avant de ne plus pouvoir parler.

Les collègues doivent être vigilants, à l’écoute.

C’est également le devoir de tout syndicaliste.

Nous devons être à l’écoute, nous devons aider les victimes à prendre la parole, à se défendre, nous devons dénoncer.

 

Les quelques exemples cités plus hauts sont des faits qui ont eu lieu en trois endroits différents, en l’espace de six mois environ.

Ce ne sont pas les actes d’une personne isolée, « malade ».

C’est donc bien le résultat de cette nouvelle gestion des services qui favorise l’éclosion de tels comportements.

Notre administration, nos administrations puisque ce genre d’exemples se retrouve ailleurs, ne peuvent pas ne pas être informées de ces dysfonctionnements.

Pourtant, la mer est toujours d’huile. Pas de vagues.

Des agents sont sacrifiés, des services complets parfois, est ce pour pouvoir mieux justifier, du fait de leurs dysfonctionnements d’une future privatisation ?

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